Un autre verre ..?

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Lee Cheol Su & Wakiya Ren.
(22:37)

La journée avait été plus qu'éprouvante et Cheol Su se demandait si toutes les journées allaient être de cette même intensité. Après tout ce n'était pas pour lui déplaire, affairé ainsi il n'avait plus le temps de penser à ce qu'il avait fuit au Japon.
Sa misérable et tristement insignifiante vie.

Le jeune homme défit deux boutons de sa chemise, ceux-ci l'étouffait légèrement et un mince sourire vint fleurir sur ses lèvres tandis que ses pas le menaient on ne sais trop où. Après tout même si le bateau était immense il ne pouvait pas se perdre et cette pensée rassurante de savoir où il était lui fit du bien. Il y a peu de temps encore, chaque jour était un combat acharné pour survivre, maintenant qu'il était ici, il avait un foyer, nourri, logé et recevait même une paye à chaque fois du mois !

Il sourit plus encore pour se rendre compte qu'il était sur une des terrasses du bateau, l'immense piscine lui criait de la rejoindre mais Cheol Su était trop épuisé. Il balaya les lieux d'un coup d'oeil et souffla en s'apercevant qu'il ne restait que les barmans et un seul client. Il alla s'asseoir au bar de la terrasse et commanda un verre de whisky. Il n'était plus en service et le fit savoir au barman qui avait haussé un sourcil en entendant ce qu'il commandait. Celui-ci haussa les épaules et obtempéra, lui servant le précieux liquide ambré qui fit sourire Cheol Su.

Cheol su commença tranquillement à boire son verre, regardant du coin de l’œil l'homme qui se trouvait à quelques places de lui, son visage était fin mais ce qui perturba le plus Cheol Su, fut la tristesse qu'il pouvait y lire. Il soupira contre lui-même, décidément il était bien trop préoccupé par les soucis des gens qu'il ne l'était avec les siens.
Il retira sa veste de costume noire, la déposant sur le dossier et but une autre gorgée du verre. Il hésitait, ainsi vêtu s'il allait s'asseoir à côté de lui, l'homme ne penserait-il pas qu'il était toujours un hôte ? N'allait-il pas l'envoyer se faire royalement foutre? Il baissa piteusement la tête en terminant son verre, appuyant sa tête dans le creux de sa main, son bras posé sur le bar. Il eut alors une idée et sourit.

Il demanda au barman de resservir l'homme au visage triste, exactement la même boisson qu'il venait de terminer et hocha la tête, confiant. Il attendit que le barman opère pour finir par tourner la tête vers l'homme qui venait de recevoir son deuxième verre. Cheol Su hocha la tête avec un léger sourire qui se voulait compatissant et à son tour il commanda un deuxième verre.

Il aimait agir comme son coeur le lui disait, après tout il n'était pas si méchant.

L’alcool ne t’aidera pas à oublier tes problèmes Ren. Ces paroles, le brun ne les connaissait que trop bien pour avoir entendu ses parents les lui répéter encore et encore alors qu’il était auprès d’eux. Ren n’était pas alcoolique, bien loin de là, mais il était vrai que, lorsqu’il se trouvait tiré quelque part de force, il n’hésitait pas à boire jusqu’à ne plus se souvenir du reste. Si l’alcool ne pouvait pas l’aider en effaçant ses problèmes de manière permanente, il pouvait très bien les faire disparaître le temps d’une soirée.

Le brun esquissa un sourire tandis qu’il regardait le contenu de son verre qu’il vidait relativement lentement. Il était assis là, au bar de la terrasse du bateau, son verre d’alcool à la main. C’était son premier verre, mais il l’avait depuis quelques minutes désormais. Certes, la boisson qu’il avait choisie n’était pas des plus fortes, mais peut-être cela lui laissait-il plus de temps pour ressasser les mauvaises choses au détriment des bonnes.

Portant son verre pour boire la dernière gorgée d’alcool qui s’y trouvait, le brun suivit du regard un homme qui venait d’arriver sur place, cela sans rien dire. Il ne le connaissait pas, mais qui aurait pu connaître une personne sans jamais l’avoir croisée auparavant ? Décidant que se préoccuper de cette présence n’était pas utile, le brun avait reporté son attention sur le verre qu’il tenait, le reposant sur le bar sans rien dire, réfléchissant simplement.

Cela faisait quelques jours qu’il était à bord désormais et, pour tout avouer, il ne savait pas s’il avait réellement envie d’y rester. Ses parents avaient pensé bien faire en lui imposant ce voyage mais, dans un sens, il le voyait plutôt comme une punition. Pourquoi l’éloigner de son pays ? De toute façon, désormais il n’aurait plus sa place nulle part. Le brun regardait les restes de glaçon qui restaient dans le fond de son verre, poussant un vague soupir tandis que ses pensées continuaient de se perdre dans des méandres inutiles.

Elle lui manquait. Encore maintenant, deux ans après le désastre, il continuait d’avoir mal à la simple pensée que jamais il ne la reverrait. Ne l’avait-il pas aimée durant de longues années ? N’avait-il pas souhaité finir sa vie à ses côtés ? Pourquoi le sort avait-il décidé qu’il en serait autrement ? Que jamais ils ne connaîtraient de fin heureuse ? À chaque fois que ces pensées venaient à son esprit, Ren se laissait prendre sans tenter de résister. Même après tout ce temps passé à pleurer la disparue, il n’avait pas réussi à entreprendre son deuil et il laissait cette plaie béante l’anéantir chaque jour.

Du garçon souriant et motivé, Ren était devenu un garçon introverti avec une crainte d’aller vers les autres et d’aborder certains sujets… N’était-il pas triste de constater les destructions que la vie et ses aléas causaient aux Hommes ? Un nouveau soupir amer s’échappa des lèvres du brun tandis qu’il s’apprêtait à se redresser pour rejoindre sa cabine.

Une nouvelle fois, les choses semblaient ne pas vouloir aller en son sens, car un barman venait de s’approcher pour remplir à nouveau son verre. Sans réellement comprendre, le brun releva les yeux, ceux-ci montrant bien son incompréhension et il tourna la tête vers la seule personne présente au bar avec lui en cet instant. Cet inconnu… pourquoi ?

Le voyant faire, Ren tenta lui-même d’esquisser un sourire. Il n’aimait pas se montrer ainsi aux gens et n’aimait pas qu’on lui pose des questions. Pour cette raison il ne dit rien avant de poser les yeux sur le verre désormais plein qui se trouvait devant lui. Il tourna à nouveau la tête, ouvrant la bouche pour parler.

« Bonsoir, » Commença-t-il avant de s’adresser à l’inconnu. « C’est vous qui… ? »

Il n’osait pas demander s’il avait fait remplir son verre mais, en l’occurrence, il était possible que ce soit le cas. Les barmans ne remplissaient normalement pas le verre des gens sans raison. Ren sourit un peu, se disant qu’il valait peut-être mieux être poli et le remercier, même s’il n’était pas sûr d’être face à la personne qui avait demandé cela.

« Merci. »

Cet homme était à quelques sièges de lui, mais vu qu’il n’y avait presque personne, il était sans doute possible de s’entendre, même à cette distance.

L'homme aux traits légèrement tirés leva la tête vers lui et Cheol Su se retint de justesse de froncer les sourcils, il avait l'impression que l'homme en face de lui portait toute la misère du monde sur ses épaules mais malgré tout celui-ci tenta d'esquisser un sourire. Sourire auquel Cheol répondit timidement, maintenant peu sur d'avoir bien agit.

Cheol Su était du genre sociable et d'une nature enjouée, ces traits de caractère l'avait toujours aidé dans la vie. Grâce à eux il avait pu se dégoter un emploi au Japon à peine âgé d'une quinzaine d'années, il avait pu rencontrer des femmes qui en échange d'un peu d'attention lui avait permis de placer sa mère dans une maison de repos. Il était ravi de posséder cette nature qui faisait de lui un être facilement aimé de tous. Même si au contraire, parfois cela s'avérait plus que pesant. Les gens, au final en oubliaient la détresse qui régnait en maîtresse sur son coeur de jeune homme.

Alors la voix du brun le sortit de ses sombres pensées et il se reprit mentalement, tentant de trouver les bons mots. Mais au final il décida d'hocher une nouvelle fois, bêtement et simplement la tête.
Les traits de l'homme se détendirent légèrement et c'est dans un sourire qu'il remercia Cheol Su. Sa voix était recouverte par le bruit des vagues qui tapait contre la carlingue du paquebot mais il était tout de même parvenu à l'entendre.

_ Mais de rien. Vous avez l'air...d'en avoir plus besoin que moi. Rajouta-t'il d'une petite moue.

Cheol Su hésitait à venir à côté de l'homme, s'il voulait être importuné il n'en donnait absolument pas l'impression et le côté sombre de Cheol Su lui hurlait d'aller voir si les demoiselles du club avait besoin de ses services. Ou d'autre chose.

Cheol Su secoua doucement la tête en buvant une petite gorgée du liquide qui lui brûla l'intérieur de l'estomac et il soupira. Cet homme l'intriguait en vérité. C'était la seule raison pour laquelle Cheol Su semblait préoccupé par lui, d'ordinaire il n'était pas méchant mais l’ataraxie l'habitait quelque soit les circonstances. Il regarda en coin l'homme et vit que celui-ci semblait déjà passé à autre chose et Cheol Su soupira sans vraiment s'en rendre compte puis il pris son verre entre ses longs doigts fins et se leva du tabouret qui commençait déjà à lui faire mal aux fesses pour aller s'appuyer contre la rambarde le séparant de l'océan, la brise marine fraîche et pourtant agréable soufflant des ses cheveux qu'il avait tant de mal à discipliner.

Il tenta de chasser les sombres pensées qui venaient toujours le torturer alors qu'il n'y pensait plus. Il détestait sa vie en vérité mais s'en contentait. Ses yeux dérivèrent vers l'horizon nocturne et il avala une nouvelle gorgée de la boisson, que lui restait-il dans ce monde ? Au final même sa mère n'arrivait pas toujours à se rappeler de qui il était et son père, s'il pouvait l’appeler ainsi ne serait que trop heureux de le voix disparaître.

Cheol Su termina son verre et se retourna de l'autre coté, l'autre homme ayant disparu de son champ de vision.

Il est assez rare de se voir offrir quelque chose par un parfait inconnu, encore plus quelque chose d’aussi cher que de l’alcool. Certes, cela n’était pas un diamant brut ni même une quelconque autre chose ayant une « réelle valeur », mais il était clair que la boisson n’était pas donnée et, cela, personne ne pouvait le nier. Pour cette raison, Ren ne comprenait pas les raisons de cet inconnu qui venait de lui offrir un verre. Il avait l’air déprimé, là, occupé à regarder son verre comme si la fin du monde approchait à grand pas, et il ne le savait que trop bien. Était-ce là la raison pour laquelle cet homme avait jugé bon de l’aider à noyer son chagrin dans l’alcool ? Le questionnement n’était pas la meilleure chose à faire en cet instant précis, le brun le savait.

Souriant un peu, juste pour ne pas avoir l’air d’accepter ce cadeau avec une tête de six pieds de long, Ren avait fini par porter le verre de boisson à ses lèvres pour en boire une gorgée tandis que l’inconnu élevait à nouveau la voix pour lui dire qu’il avait « l’air d’en avoir plus besoin que lui ». Qui pouvait bien avoir besoin de l’alcool pour oublier ses idées noires ? Qui se saoulait dans le simple but de ne plus penser aux choses qui pourrissent le quotidien ? Énormément de monde, il fallait bien l’avouer. Ren, lui, n’était pas de ce genre… ou du moins il ne le faisait pas régulièrement.

Même s’il avait mal, même si les choses semblaient tourner au désastre, il refusait de tomber dans l’alcool habituellement… Il ne le tenait pas bien et en était bien trop au courant que pour se permettre de descendre de nombreux verres les uns après les autres sans tenir compte des conséquences de ses actes. Il ferma un peu les yeux avant de boire une nouvelle gorgée d’alcool, sachant parfaitement qu’il le regretterait plus tard. Le jeune homme ferma ensuite les yeux en poussant un petit soupir, réfléchissant aux choses qui lui arrivaient, aux raisons pour lesquelles il s’était retrouvé sur ce bateau alors qu’il n’avait plus voulu y être… Si seulement ses parents avaient réalisé qu’il ne voulait plus de ce voyage depuis la mort de sa petite amie…

Ils n’avaient pas prêté attention à sa voix, ils avaient préféré faire ce qu’ils estimaient être le meilleur pour leur fils. Le sortir de chez lui, le forcer à voir du monde et à vivre en communauté sur un bateau qui lui ferait visiter des endroits où il aurait voulu être avec elle. Pourquoi lui faisaient-ils faire ce deuil forcé alors qu’ils savaient pertinemment qu’il allait en souffrir deux fois plus au cours de ce voyage ? Ren voulait penser que ses parents cherchaient à faire au mieux pour garantir son bonheur mais, dans le fond, comprenaient-ils réellement ce garçon qui avait toujours réussi à faire leur fierté en se donnant parfois tant de mal ? Être le fils de parents comme les siens n’était pas toujours facile… Difficile d’être toujours à la hauteur lorsque l’on n’a jamais déçu sa famille et que l’on tombe soudainement aussi bas.

Un garçon plein de rêves, c’est ce que Ren était avant de voir ses rêves s’effondrer. Avant ce jour où sa future femme s’était éteinte, de même que beaucoup d’autres personnes de son pays. C’était douloureux et il ne pouvait s’empêcher d’y penser… surtout lorsqu’il voyait la personne qu’il était devenu actuellement. Un garçon triste, silencieux, qui cherche à oublier par tous les moyens les choses qui le font souffrir. Dans cet état pitoyable, il cherchait toujours une solution, ne désirant pas s’arrêter là, mais il le faisait en évitant tant de choses qu’il était difficile de savoir si, oui ou non, il était encore en vie à l’intérieur de lui-même. Après tout, un deuil qui n’a jamais commencé a de fortes chances de ne jamais se terminer.

Le jeune homme sourit un peu à son interlocuteur avant de se reperdre dans l’observation de son verre, ne sachant trop quoi raconter à un parfait inconnu. Il n’aimait pas faire la conversation, il finissait toujours par déboucher sur des sujets bien peu agréables, mais il était clair qu’avec un peu d’alcool dans le sang, il ne penserait peut-être pas de la même manière. Pour cette raison, Ren vida le verre qu’il tenait devant lui après quelques nouvelles gorgées et se leva pour aller se placer près de la rambarde où il avait vu s’appuyer l’autre jeune homme, celui qui lui avait offert un verre. Il n’était pas visible d’où il était, mais quelle importance au final ? Cet homme ne voulait peut-être pas discuter avec lui. Il savait qu’il n’était qu’un boulet silencieux et en manque de volonté.

Le bruit de l’eau, celui des vagues qui s’échouaient contre la coque alors que la nuit les entourait était quelque chose d’incroyablement apaisant. Ren avait toujours adoré ces choses mais, maintenant, ce son faisait partie des choses qui ne se ressemblaient plus depuis qu’elle avait disparu. Elle lui manquait, il avait mal à la simple pensée que jamais plus il ne la verrait mais, au final, qu’y pouvait-il ? Rien. Cette idée le hantait et le rendait malade, il n’avait pu que le constater depuis deux ans, mais il ne pouvait rien y changer et ne le pourrait pas tant qu’il n’aurait pas fait un pas en avant en admettant son non retour. Son cœur se serra un peu tandis qu’il y pensait à nouveau et il ferma les yeux, poussant un petit soupir en posant son regard sur l’horizon nocturne avant de le détourner vers ce garçon qui s’était désormais retourné.

« Vous travaillez ici ? »Demanda-t-il soudainement après un bon moment passé dans le silence.

Désormais, il avait essayé d’entamer une conversation. Si ce garçon désirait lui parler, peut-être ne fuirait-il pas après cette introduction stupide mais essentielle s’ils désiraient nouer un contact.

Cheol Su termina son verre et se retourna de l'autre côté, l'autre homme ayant disparu de son champ de vision. Mais alors une voix se fit entendre et il tourna légèrement la tête presque surpris de ne pas l'avoir vu arriver.

_Vous travaillez ici ?. Demanda l'homme brun à Cheol Su, tandis que celui-ci finissait sa gorgée, avalant doucement le liquide qui lui brûlait toujours autant la gorge.

La question bien que légèrement banale fit sourire Cheol Su et il hocha la tête, son verre presque vide.

_Je fais partie du personnel, des hôtes plus précisément. Rajouta-t-il sans se départir de son léger sourire amical. C'était presque une habitude, un masque qu'il portait maintenant sans s'en rendre compte. Ce sourire l'avait sauvé plus d'une fois. Mais en face de cet homme, il souriait sincèrement bien que timidement. Et vous...êtes un vacancier je suppose ? Cheol Su tentais de choisir ses mots, bizarrement il avait peur que cette nouvelle connaissance ne lui fausse compagnie. Cheol Su était quelqu'un de sociable et sa facilité à créer une bonne relation avait toujours été un point fort pour lui.

Il souriait toujours à cet homme aux traits si fins que Cheol Su eu du mal à lui donner un âge exact. Pour autant le jeune homme se garda bien de poser la moindre question, il n'était pas ainsi et même si l'alcool le rendait encore plus joueur et bavard il se retint. Comment exprimer ce qu'il ressentait face à cet homme qui finalement lui était totalement inconnu ? Peut-être cette transparence qui laissait voir aux gens une tristesse que seuls les habitués pouvaient reconnaître.

Il soupira mentalement et concentra son attention sur la mer, l'odeur d'iode se propageait sur le pont et Cheol Su se retint de justesse de pousser un soupire d'aise. Il avait toujours aimé l'océan mais sa vie avait fait en sorte de le tenir éloigné de cet endroit.

Des années auparavant il avait eu l'occasion de jouer sur le sable, sa mère était dans un de ses bons jours et elle avait décidé d'étendre l'horizon de ce fils qu'elle aimait et haïssait tant. Cheol Su n'avait gardé de cette journée que de beaux souvenirs et il se découvrait l'âme d'un véritable loup de mer, pensa-t-il en souriant pour lui seul.
Il tourna la tête vers le nouveau venu et attendit patiemment sa réponse, bien décidé à sortir de cette solitude qui lui plaisait autant qu'elle le faisait suffoquer.

Spoiler:

Bien qu’il ait l’habitude de sortir avec ses amis et sa fiancée lorsqu’elle était encore en vie, l’alcool n’avait jamais été le fort de Ren, bien loin de là. Il était en effet de ce genre de personnes qui se retrouvaient ivre à peine le deuxième verre était-il terminé. Il savait que, dans ce genre de cas, sa langue se déliait un peu et que, malheureusement pour lui, il en racontait bien trop pour son propre bien. C’était dans ce genre de situations qu’il venait à se confier à de parfaits inconnus ; il leur racontait ses problèmes sentimentaux, les difficultés qu’il éprouvait désormais à se faire comprendre par ses parents qui espéraient encore le faire changer d’avis par rapport aux évènements passés et, au final, il finissait à pleurer sur son sort à cause de choses qu’il ne pourrait jamais modifier.

Le brun était presque dans cet état en cet instant, bien qu’il soit encore suffisamment sobre pour se tenir debout près de cette rambarde. Il profitait de l’air iodé tandis que l’eau s’étendait sous son regard. Il savait qu’il avait déjà abusé sur l’alcool et que ce deuxième verre était celui en trop pour lui qui ne tenait absolument pas.

Il avait émis une simple question à l’adresse de son interlocuteur qui semblait assez jeune. Celui-ci lui avait répondu promptement. Un hôte ? Cela lui arracha un petit sourire. Il n’aurait jamais pu exercer ce métier, jamais, et surtout plus maintenant. Le brun hocha la tête avant de pousser un soupir. Pourquoi fallait-il qu’il ait l’alcool aussi triste ?

Effectivement, la boisson le rendait mélancolique. Après quelques verres, il était bien souvent plus triste que lorsqu’il était sobre. Il pensait à des choses qui le perturbaient, il regrettait son passé et ses moments heureux encore plus qu’à l’habitude et, au final, il se retrouvait toujours dans un état pitoyable. Le brun ferma les yeux pendant quelques secondes qui lui parurent une éternité, éternité au bout de laquelle une voix s’éleva à nouveau.

Hochant une nouvelle fois la tête, le brun éleva la voix, son timbre manquant presque de passer pour un soupir tellement il était empli de regrets qui s’étaient introduits là sans même prévenir.

« Oui… Je suis en vacances sur ce bateau… »

Il se sentait surtout emprisonné dans une cage dorée qui l’emmènerait certainement dans des endroits qu’il aurait voulu visiter avec elle. Ici, il n’y avait personne à qui il pouvait s’attacher, personne à qui parler, personne à qui il pouvait raconter ses problèmes en étant sûr qu’il ne le jugerait pas. Pourquoi ? Parce qu’il ne connaissait personne sur ce bateau. Certes, il était occupé à discuter avec un parfait inconnu sur le pont d’un bateau simplement parce qu’il avait bu un peu trop, mais cela n’était pas comparable avec les gens qui auraient pu lui prêter une oreille attentive en dehors de cet endroit.

Ici, il était perdu, comme s’il avait été lâché en terre inconnue en étant totalement désorienté, comme un enfant qui a passé trop de temps dans un tourniquet. Chaque jour, il errait sur le pont comme s’il allait tomber sur elle, comme s’il allait la retrouver en tournant au coin d’un couloir… Il le savait, c’était totalement impossible, mais il était encore totalement incapable de l’admettre.

Le regard du nippon se perdait au large, suivant la ligne de l’horizon tandis qu’un long soupir s’échappait d’entre ses lèvres. Quelques secondes plus tard, il se redressa, riant un peu, un rire amer qui fut bien vite suivi d’un soupir profond. Il tourna alors la vers le jeune homme à qui il parlait depuis quelques instants désormais et lui adressa une nouvelle phrase.

« En fait mes parents m’ont envoyé ici pour me changer les idées. »

Le brun était las de ce qu’il vivait. Il avait cru trouver l’amour de sa vie et l’avait perdu en un instant, sans même pouvoir lui dire au revoir. Elle avait disparu, emportée par une vague. Désormais, il était sur ce bateau, occupé à naviguer sur cette mer traîtresse qui lui avait enlevé la seule personne qui comptait réellement à ses yeux. Il savait que ces pensées étaient stupides, que cela n’était pas de la faute des vagues, que la mer n’y était pour rien en réalité, mais il ne cessait de penser que, quelque part, la fatalité avait voulu les séparer de manière injuste, sans raison. Peut-être que, au final, ils avaient été trop amoureux, trop vite… Il ne comprendrait jamais pourquoi elle lui avait été si soudainement enlevée.

Lui qui était habituellement si calme, si raisonnable… Il avait commencé à avoir d’étranges raisonnements depuis qu’elle avait disparu. Il émettait des hypothèses absurdes lorsqu’on lui expliquait que les choses arrivaient comme cela, sans raison, cherchant sans cesse à découvrir pourquoi les choses s’étaient déroulées de cette manière… Il ne s’en remettait pas et peut-être qu’il ne s’en remettrait jamais.

Quelques secondes après ses paroles, le jeune homme avait déjà reposé les bras sur la balustrade, réfléchissant à tout et à rien, l’alcool continuant son chemin… Il regardait toujours l’horizon comme si le soleil allait y poindre alors qu’il savait parfaitement qu’une telle chose ne pouvait arriver à une heure aussi tardive. Il aurait cependant espéré que cela soit possible.

Des idées aussi folles que celle de pouvoir contrôler le temps, Ren en avait déjà eues depuis qu’il avait été séparé de celle qu’il aimait. Il avait toujours cet espoir de changer les choses, ne serait-ce que dans ses rêves, mais rien de tout ce qu’il y voyait n’était possible. Il ne pourrait pas avoir cette famille qu’il aurait voulu fonder avec elle ; il ne pourrait pas être heureux à ses côtés pendant des années encore. Il était obligé de vivre avec cette peine qui l’assaillait… c’était du moins ce qu’il pensait.

« Je m’appelle Ren. » Avait-il finalement dit. « Je pense que coller un nom sur un visage est toujours plus agréable qu’un simple titre, vous ne pensez pas ? »

Il n’avait pas envie de se souvenir de lui comme de « l’hôte à qui il avait raconté sa vie l’autre soir ». Il aurait mille fois préféré pouvoir lui donner un nom aussi, lorsqu’il se souviendrait de cette conversation stupide qu’il avait eue avec lui, même s’il risquait de s’en vouloir pour avoir encore une fois exprimé ses pensées profondes auprès d’une personne qui n’en avait sans doute rien à faire.

Cette brève présentation terminée, Ren porta à nouveau mon regard sur la mer, un soupir emprunt de tristesse s’échappant de ses lèvres. Il regrettait énormément de choses, trop de choses. Cependant, il ne se donnait pas les moyens d’échapper à ces souvenirs déchirants.

Lorsqu'il avait répondu à sa question il avait bien vu que l'homme en face de lui avait eu un petit sourire. Et bien que la curiosité le ronge sur le pourquoi du comment il tint bon et bu une légère gorgée et pour ainsi dire la dernière de son verre. Et il dut lever les yeux lorsqu'un profond soupir se fit entendre, mes lèvres trempaient toujours dans le liquide couleur de bronze et je m'arrêtais, fronçant les sourcils sans encore une fois poser ces questions qui me brûlent les lèvres.
Le brun ferma les yeux pendant quelques secondes sans se départir de son léger sourire amical. C'était presque une habitude, un masque qu'il portait maintenant sans s'en rendre compte. Ce sourire l'avait sauvé plus d'une fois. Mais en face de cet homme, il souriait sincèrement bien que timidement.

_Et vous...êtes un vacancier je suppose ?

L'homme au visage si triste hocha une nouvelle fois la tête, et il éleva la voix, son timbre rauque me faisant presque penser que cette conversation l'ennuyait mais pourtant il répondit et Cheol Su en fut agréablement surpris.

_ Oui… Je suis en vacances sur ce bateau…

Cette voix qui résonnait dans l'esprit maintenant embrumé de Cheol Su lui fit sincèrement mal au coeur et il dut se retenir de toutes ses forces pour ne pas jeter son verre vide à la mer et prendre cet homme qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes dans ses bras. Cheol Su était quelqu'un qui savait voir dans le coeur des gens et bien qu'habitué et se complaisant dans sa solitude il détestait voir les autres s'y noyer.

Cependant cette impression que cet homme allait disparaître sans prévenir lui fit presque un haut le coeur, ses émotions étaient toujours décuplées lorsque son sang contenait un peu trop d'alcool. Il en avait déjà fait les frais lors d'un énervement qui s'est transformé en une bagarre, un sentiment de désir qui finalement s'est transformé en un coup d'une nuit. Lorsqu'il était saoul, Cheol Su était presque un homme différent, presque incapable de se contrôler. Pourtant le japonais qui maintenant fixant l’océan en poussant un long et douloureux soupir, l'obligeait à être plus serein et attentif que d'ordinaire.
Et sans crier gare celui-ci ria légèrement pour finalement pousser un nouveau soupir et ses lèvres s’en-trouvèrent légèrement lorsqu'il prononça ses quelques mots.

_En fait mes parents m’ont envoyé ici pour me changer les idées.

Cheol Su ne sut que répondre et finalement c'est d'une voix douce et pourtant suave qu'il déclara.

_ Je suis là pour payer les frais de l'hôpital psychiatrique de ma mère. Dit-il sans pouvoir retenir ses mots qu'il n'avait en réalité jamais dit à personne. Jamais, sans cette ambiance, sans cette personne dont il ne connaissait même pas le nom et sans l'alcool,jamais il n'aurait parlé de cette chose qui lui poignardait le coeur à chaque respiration. Il resta silencieux et du coin de l’œil il vit le brun regarder l'horizon comme il l'avait toujours fait depuis le début. Et finalement ses lèvres s’en-trouvèrent une fois de plus.

_ Je m’appelle Ren. Avait-il finalement dit. Je pense que coller un nom sur un visage est toujours plus agréable qu’un simple titre, vous ne pensez pas ? Dit-il simplement en le vouvoyant

Cheol Su écarquilla légèrement les yeux surpris que l'homme lui dise son prénom juste au moment ou il se plaignait en quelque sorte de pas le connaître. Et il reporta son attention sur la mer, un nouveau soupir s'échappant de ses lèvres. Cheol Su eu violemment envie d'empêcher ses lèvres de soupirer à nouveau. Mais d'une façon plutôt étrange...

Finalement Cheol Su se tourna vers...Ren et lui sourit finement.

_ Je suis Cheol Su, enchanté ? Vous pouvez me tutoyer ! Dit-il en riant à peine, se baissant pour poser le verre tandis qu'il s'accoudait à la balustrade, le regard perdu dans le bleu sombre de l'océan. Je ne pense pas que je vais me souvenir de cette soirée et...

Finalement il ne termina pas sa phrase, trop perdu non pas dans ses pensées mais plutôt dans ses souvenirs. Ses anciennes émotions ressortant en lui, le bouleversant un peu trop à cause de l'alcool et il dut se racler la gorge pour ne pas laisser sa voix s'enrouer et des larmes venir briller dans ses yeux. Quel abruti il faisait. Il cherchait quoi à dire à Ren, sa compagnie lui faisait du bien et même s'il trouvait ça plutôt étrange il n'en avait que faire au final.

_ Vous appréciez le séjour..? Je ne vous ai pas souvent vu aux soirées et encore moins au salon d'hôtes... dit-il en souriant légèrement.