☁ Décrire rapidement les raisons de votre présence sur le bateau ; A dire vrai, si je suis ici c’est principalement pour le salaire mensuel. Pas que je sois une amoureuse de l’argent, non, j’en ai besoin. L’année prochaine j’ai dans l’idée de faire mes études au Japon, et à défaut d’avoir des parents millionnaires comme la plupart des passagers ici, il faut que j’économise. Je ne peux pas être égoïste au point de compter toujours sur mon père, il faut bien apprendre à se débrouiller dans la vie. En plus, j’aime bien le fait d’être indépendante. Donc en fait le boulot de maître-nageuse n’est qu’un job de plus parmi tout ceux que j’enchaîne depuis huit mois. Il m’a été proposé grâce à mon diplôme de secourisme – que j’ai toujours pensé inutile – et à mes années de natation. Excepté qu’ici j’ai l’impression de ne pas travailler mais plutôt d’être en vacances tout frais payés. Il faut dire que le décor te fait vite oublier le cadre professionnel de ta mission d’intérimaire. Même je prends très au sérieux, mine de rien, le fait de devoir veiller à la sécurité des bassins et de sauver des vies en cas de besoin. C’est la classe en plus d’être maître-nageur.

☁ écrit ici le caractère de ton personnage dans un minimum de 240mots;
Na Yung c’est le genre de personne très généreuse et souriante. Elle aime beaucoup aider son prochain, elle est aussi très fidèle à ses amis malgré le fait qu’elle n’est pas du genre à avoir un cercle très grand. Elle n’accorde sa confiance que difficilement alors qu’elle est facilement abordable. Elle n’aime pas non plus trop faire parler d’elle, ni trop aborder ses problèmes ou sa vie. Elle a le défaut de toujours tout garder pour elle et de vouloir régler tous ses soucis seule ce qui en fait une personne responsable et indépendante, parfois trop indépendante.
Habituée à avoir vécu dans une grande famille, elle est de ce fait très protectrice avec son entourage, ce pourquoi même si elle paraît complètement détendue et venue en touriste sur le bateau elle prend néanmoins avec sérieux le fait d’être responsable de la sécurité des baigneurs.
D’un naturel spontané, elle est aussi très malchanceuse et sa maladresse l’énerve elle-même.
Na Yung est aussi quelqu’un qui a du caractère, elle n’a pas le sang chaud, elle n’est pas non plus caractérielle, mais elle sait où elle va et ce qu’elle veut. Elle est déterminée et n’abandonne jamais un projet ou une promesse en cours de route. D’ailleurs, même si elle est assez solitaire en aimant toutefois la compagnie des personnes qu’elle apprécie, elle a toujours le besoin de rendre les gens heureux, trop altruiste à ce qu’il parait. Parfois distante avec les inconnus ou les personnes qu’elle n’arrive pas à cerner, cette distance pour être confondue avec de la froideur, pourtant Na Yung est tout sauf froide.
Décidée à devenir avocate plus tard, il va de soit que Na Yung attache beaucoup d’importance à la justice et à l’égalité. Elle a une sainte horreur des injustices et de la méchanceté gratuite. C’est une des seules choses qui pourrait vraiment l’énerver. Sinon c’est quelqu’un d’assez curieux, de créatif, elle aime d’ailleurs beaucoup l’art et la littérature, un peu les sciences mais elle n’est pas une adepte des mathématiques.
Elle est aussi assez discrète, disons qu’elle n’aime pas spécialement se mettre en avant où jouer les bimbos, elle est plutôt fine et élégante. Et elle aime prendre soin d'elle. Elle préfère aussi être naturelle que superficielle du coup, elle est assez impressionnée par tout ce luxe même si elle trouve toute cette ambiance sur le bateau très princière. Et c’est une fan incontestée du thé et des sucreries.

« Na Yung, va sortir le sac qui traîne dans le hall, c'est du pain rassi on peut pas donner ça aux clients ! » C'était la voix de ton père. Le chinois comme on l'appelait ici, tout simplement parce qu'il était chinois, et oui. Toujours affolé celui-là, on aurait dit qu'il gérait une fourmilière pourtant vous étiez juste à la tête d'un petit resto sans grande ambition. Une boîte familiale, quoi. Obéissante, tu t'emparas donc du-dit sac et le hissas dans tes bras tellement il était lourd. Car mine de rien, le pain quand il y en avait beaucoup ça pesait une tonne ! En plus, on pouvait pas dire que t'étais musclor alors forcément... Passant par la cuisine, tu fis bien attention de savoir où tu mettais les pieds histoire de ne pas glisser sur un objet non-identifié et de faire un rouler-boulet magistral devant tout le monde. Tu passais ainsi prudemment devant les fours, l'odeur de la nourriture envahissant tes narines au passage, puis te dirigeais vers la porte de sortie de secours. Encombrée, tu tentais de libérer une de tes mains aussi bien que possible, mais rien à faire. Alors que tu galérais comme une nouille pour ouvrir, tu entendis subitement de drôles de bruits dehors. Tu reconnus la voix de ta petite soeur, mais la personne à qui elle semblait parler tu n'arrivais pas à mettre de visage dessus. A coup sûr, elle parlait encore avec des inconnus et ça ne te plaisait qu'à moitié. Tu voulais pas faire la soeur envahissante, enfin la mère poule, mais t'aimais pas que ta petite soeur de six ans parle avec des gens toute seule dehors, on savait jamais sur qui on pouvait tomber. Tu tenais bien trop à elle pour la laisser se faire kidnapper. Ta petite soeur c'était aussi ta protégée, t'étais toujours prête à encaisser les coups pour elle ou à lui éviter les ennuis. Elle disait que t'étais son ange gardien. C'était mignon. Ca te faisait sourire à chaque fois. En fait, à défaut d'avoir une mère présente, vous aviez fait sans. Et toi, t'avais toujours ressenti le besoin d'être la figure maternelle, de t'occuper des plus petits que toi. Vous aviez certes votre père qui était très présent pour vous, mais il était aussi très occupé par le restaurant alors c'était toi qui t'occupais de tes frères et soeurs. Tu les emmenais à l'école, tu séchais les cheveux des plus petits, tu les aidais à faire leurs devoirs et en parallèle avec les plus grands vous travailliez en tant que serveurs au resto. Comprenez, ça évitait d'employer des gens extérieurs, ça faisait des économies et vous ça vous faisait de l'argent de poche. En fait, vous arriviez quand même à vous débrouiller même si vous n'aviez plus qu'un parent. Peut-être même que c'était cette perte survenue il y a de ça trois ans qui vous avez donné autant de motivation pour vous en sortir et ne pas finir dans une mauvaise situation. C'est de là que vous tiriez votre force car vous saviez tous que votre mère n'aurez pas souhaité vous voir baisser les bras, vous laissez aller. A cette pensée, tu soupiras, nostalgique, et finis par ouvrir cette fichue porte d'un coup de rein, plus pratique. Là, dans la rue, tu retrouvas ta petite soeur, seule, la bouche en coeur. Tu arquais un sourcil en la voyant plantée là sans interlocuteur à qui s'adresser. Déposant le sac dans un coin tu regardais ensuite à droite et à gauche pour voir si tu n'apercevais pas quelqu'un. Mais non, personne à l'horizon. Décidément, soit le type était vite parti, soit ta soeur était schizo. Tu préférais quand même croire qu'elle ne l'était pas. « Dis, avec qui tu parlais ? » En zozotant, et en pointant du doigt la ruelle qui se profilait sur la gauche elle te répondis d'un air tout à fait naturel, enfantin, presque angélique.« Bah avec le monzieur. Mais est parti là-bas. Il était zentil. » Tu te penchais de nouveau pour scruter la ruelle mais rien à faire. C'était bizarre. Ca disparaissait pas aussi vite un bonhomme. Enfin soit. Tu poussas ta soeur devant toi pour rentrer à l'intérieur, comme si de rien était. Beaucoup de lycéens passaient par ici, c'était une rue qui amenait directement à l'établissement scolaire qui se situait juste derrière, et ce n'était pas la première fois que ta soeur parlait avec les étudiants, c'était une vraie pipelette ta soeur en fait. Elle se laissait facilement approcher et c'est toujours ce qui te faisait peur. T'aimais pas ça. Bref. Tu n'avais pas le temps de lui faire la morale une fois de plus, il était 16h et tu étais déjà en retard pour ton cours de natation. A coup sûr, ton entraîneur aller encore te disputer à ton arrivée. Il était très ponctuel et il n'aimait pas tes retards même s'il comprenait que tu étais très occupée depuis le décès de ta mère même s'il ne te l'avait jamais dit ouvertement. Il plaçait de grands espoirs en toi, tu étais une de ses meilleures nageuses et tu avais participé à beaucoup de compétitions, alors logique qu'il soit plus intransigeant. Donc oui, tu connaissais d'avance le monologue qu'il allait te réciter dans quelques minutes, et cela te faisait sourire.


Le soleil était haut dans le ciel, il faisait beau mais, coup du sort, t'étais encore en train de courir après le chien. C'était à se demander qui promenait l'autre. En tout cas, c'était certainement pas toi le maître à bord. A croire que Dieu là-haut ça l'amusait de te voir galérer. En tout cas, tu commençais à avoir sérieusement mal au bras à force de tenir la laisse du cerbère qui te baladait depuis vingt bonnes minutes dans tout le parc. Pourquoi tu faisais ça déjà alors qu'il faisait beau et que tu aurais pu t'occuper à autre chose comme à ... bronzer par exemple ? Ah oui, t'étais nouvellement garde d'animaux. Si, vous savez, ces gens là, ceux qui s'occupent de vos amis à quatre pattes pendant que vous, vous prenez des vacances au soleil et que tout va bien pour vous. Bah voilà. T'étais le larbin. Le dindon de la farce. Mais tu pouvais pas te permettre de faire la difficile. T'avais besoin d'un salaire, quoi que tu en dises, cet argent il te le fallait sinon tu pouvais pas manger, tu pouvais pas t'habiller, tu pouvais pas payer ton loyer. Or, se faire virer de son logement par retard de paiement c'était problématique. Certes, dans un cas extrême t'avais la possibilité de retourner chez ton père, il avait laissé ta chambre telle quelle, et t'étais la bienvenue, d'autant plus que si tu revenais il gagnait de la main d'oeuvre en plus pour le restaurant. Mais si t'avais quitté le nid familial c'était pas pour y retourner. T'étais bien décidée à avancer et non à reculer. En plus, ton père il avait déjà fait assez pour toi, tu devais dorénavant voler de tes propres ailes, même si c'était pas fabuleux. Alors bon, en attendant de trouver mieux, garde d'animaux c'était pas si mal. C'était déjà plus glorieux que le ramassage des ordures. Et puis là au moins on demandait pas de qualifications particulières si ce n'est d'avoir un bon feeling avec les animaux. Oui, parce que quelqu'un qui peut pas blairer un chien il peut pas faire ce travail, logique mon gars. Mais toi t'avais l'habitude des chats, des chiens et des hamsters. T'étais en revanche moins à l'aise avec les perroquets ou les animaux un peu étranges que les gens pouvaient avoir chez eux, mais tu t'en accommodais. T'étais pas difficile, tu te faisais à tout. L'argent te motivant aussi, of course. Parce que t'avais besoin d'économiser en fait. Tu comptais faire des études l'année prochaine, tu n'allais pas te tourner les pouces une année de plus, hors de question. Cette année t'avait déjà paru extraordinairement longue, pas besoin d'en ajouter une deuxième.

Année sabbatique. Comme si t'avais pris des vacances, disparue de la circulation pendant un an. Non, décidément tu ne l'avais pas fait par plaisir. En plus, tu galérais depuis. Tu accumulais les petits boulots de fortune entre les animaux, babysitter, fleuriste, vendeuse de CDs, serveuse dans les fastfoods du coin... Ouais, tu les enchaînais. Au moins t'étais polyvalente. Non, en fait t'avais pris cette année pour amasser un peu d'argent, juste de quoi te payer un billet d'aller - parce que le retour tu verrais plus tard hein - pour le Japon et les frais d'inscription à la fac de Tokyo. Ton rêve étant d'étudier le droit dans cette université nippone. Ton rêve que ton père ne pouvait pas financer, le restaurant ne rapportant pas assez d'argent pour payer tes études ambitieuses et celles à venir de tes petits frères et soeurs. Ce qui était compréhensible. Enfin toi tu ne l'avais pas pris mal, tu savais bien quels étaient les revenus dans la famille et qu'il fallait faire attention à l'argent et aux dépenses. Alors, étant grande et responsable t'avais décidé de ton propre chef de t'occuper de toi et d'être une bouche de moins à nourrir. Certes, ce n'était pas l'Amérique, tu vivais de façon plus ou moins stable en fonction des boulots que tu dénichais mais t'étais libre et tu faisais ce que tu voulais. En plus la réussite d'entrer dans cette université te motivait pas mal. Ca te faisait presque oublier que tu travaillais comme une forcenée toute la journée, et que t'arrivais dans ton appart' complètement lessivée le soir. Attitude qui ne plaisait guère à ta colocataire qui parlait au mur pendant que tu t'endormais involontairement sur le canapé, de fatigue. Oui bah au moins t'étais pas embêtante comme coloc', t'étais pas une pipelette agaçante à qui on aurait envie de coller la bouche avec du scotch et puis tu prenais pas non plus trop de place et tu cuisinais bien - père restaurateur oblige. En plus t'étais jamais là. Le matin tu faisais serveuse, l'après-midi tu promenais les chiens de la bonne femme partie en Afrique dans la région de... merde. Comment ça s'appelait déjà ? Trop perdu dans le fin fond du monde pour que tu t'en rappelles. Enfin bref, elle était pas là quoi. Et toi tu devais t'occuper de son teckel, l'espèce de petite saucisse à quatre pattes qui se dandinait dans tous les sens, et de son labrador - une horreur ce chien avec tous ces poils !- et de ces deux poissons rouges qui faisaient cent fois le tour de leur bocal dans la journée. Pas étonnant que ça soit con un poisson rouge quand on y pense. Faire sans arrêt le tour de ta maison forcément ça fusille les neurones. En tout cas, toi t'aimerais pas être un poisson rouge. Et moi non plus. D'ailleurs ces deux-là ils te faisaient un peu pitié.
Enfin là n'était pas la question, je m'égare. Non, la question c'était que t'était en train de te faire déchausser l'épaule par le labrador justement et tout ça pour quoi ? 8 656 ￦ de l'heure ? Une misère, une misère qui te bouffait ton énergie mais que tu voulais pas abandonner. Sage fille va. T'étais en train de te faire exploiter mais t'y voyais rien. T'étais trop chez les bisounours je crois. Un jour ça allait te perdre. Pourtant même si tu étais fatiguée, presque à bout de souffle et que tu avais l'impression qu'à force de tirer dessus ton bras s'était allongé de quelques centimètres, tu continuais à parler au chien en essayant de le calmer comme tu pouvais. Genre... genre il allait te répondre. Non, au contraire il courait de plus belle. Mais bon sang ! Il pouvait pas se calmer ?! Sérieusement, il allait bien se fatiguer à un moment, il était pas monté sur ressort quand même, la batterie allait faiblir parce que, partie comme t'étais partie, tu tiendrais pas encore longtemps comme ça. Quoi que... Dans un élan soudain d'ingéniosité tu sortis maladroitement de la poche de ta veste une de ces friandises au boeuf en forme d'os que les chiens aiment bien mordiller. Idée de génie oui. Et tu pouvais pas y penser avant Inspecteur Gadget ? Qu'on ait pas eu à faire tout ce cirque... Non ? Non.

Sifflant le chien pour attirer son attention, tu te hissais le long de la laisse pour arriver à sa hauteur y mettant toutes tes forces. En un instant tu lui passais la friandise sous le nez et là... miracle de la vie si je puis dire. Il s'arrêta net, assis, conciliant. Le jour et la nuit. Les yeux pétillants il se tourna vers toi et posa sa patte sur ton avant-bras. Ni une, ni deux, tu lui donnas expressément ce qu'il voulait et t'accroupis face à lui, faisant à présent sa taille, sous le charme du cerbère devenu guimauve. Finalement il était plutôt cool ce chien, fallait savoir s'y prendre. Vous étiez mignons tout les deux. Quoi qu'il en soit, grâce à ta dernière biscotte pour chien, t'avais pu passer la fin de ta journée tranquille. Le labrador t'avait peut-être adoptée, aucune idée. Mais il restait toujours près de toi et il évitait de trop tirer sur sa laisse comme s'il avait compris que tu avais le bras mort. D'ailleurs maintenant qu'il restait bien sagement à tes côtés, tu te sentais comme... soulagée. Triomphante. T'avais l'impression de te promener avec ton chien. T'avais dompté la bête. Pour aujourd'hui, t'avais bien travaillé.


Dissimulée derrière un rideau de cheveux bruns soigneusement ondulés, habillée d'une longue chemise couleur olive, le dos calé contre le canapé, un bol de céréales coincés entre tes mains, t'étais complètement relâchée, suivant tant bien que mal ta série à la télé. A dire vrai, vue ton niveau de fatigue, t'avais l'impression que les acteurs ils parlaient russe mais non, ils étaient coréens, t'étais juste aware. Un claquement de porte te sortant de tes rêveries, tu te redressas subitement pour voir ta colocataire entrer et lancer mollement ses clefs sur votre table de cuisine pour ensuite se diriger vers ta personne. « Alors ? C'était comment avec ton labrador ? Et Ji Eun elle était comment today ? » Tu roulais des yeux, la bouche pleine. Ji Eun c'était ta patronne au bar où tu travaillais le matin. Elle était ... comment dire ? Vous voyez le concept de la harpie ? Ouais la fille mi-vautour mi-femme de la mythologie grecque, avec un caractère exécrable, vieille fille, jamais satisfaite et tout ce qui va avec ? Et bah Ji Eun c'était ça. Elle avait la voix rageante d'un aigle, le nez légèrement crochu, l'oeil qui t'observe peu importe où tu te trouves, comme la Joconde. Un film d'horreur à elle toute seule c'te bonne femme. Plusieurs fois t'aurais voulu lui balancer ses tequilas dans la tête, où plutôt jeter ton tablier de serveuse, faire un scandale, lui dire ses quatre vérités en face et prendre la porte. Mais t'étais pas assez explosive pour te permettre un tel éclat. Fallait être réalise, t'étais trop douce et consciencieuse pour te rebeller ne serait-ce qu'un tantinet. Toutefois ce n'était pas l'envie qui te manquait.
« Oh tu sais, toujours égale à elle-même et sinon, Rooky, ça va, il a été gentil cette fois. » Oui, bon c'était pas exactement vrai mais t'allais pas lui dire que tu t'étais fait balader par le chien pendant dix bonnes minutes avant de trouver la solution miracle. Franchement. Elle se serait moquée de toi. Et je la comprends. Passant à autre chose parce que ta vie n'était décidément pas passionnante, tu lui indiquais d'un signe du menton que le courrier sur la table lui était adressé. Elle considéra la lettre d'un bref coup d'oeil in-intéressé avant d'enlever sa veste pour te rejoindre près du canapé. A vous deux étiez vraiment boute-en-train, c'était jamais le grand stress chez vous, sauf le matin à l'heure de se préparer. Sinon vous faisiez votre petit train-train, à votre rythme. Bonh-Cha c'était en fait ta meilleure amie. Tu l'avais rencontrée au lycée et depuis vous vous étiez plus lâchées. Vous vous compreniez. Une victoire, parce que pour te suivre toi... c'était hard. En fait vous étiez presque aux antipodes l'une de l'autre, mais justement vous vous complétiez. Toi t'étais assez maladroite, du moins malchanceuse, parce que t'étais pas non plus du genre à casser des verres par inadvertance, c'est juste que le karma était contre toi. Alors que Bong-Cha c'était la fille très organisée, sérieuse. Si elle était toujours dans les rangs, toi, t'étais en-dehors des lignes. Chacune sa façon de faire. Mais vous aviez la qualité d'être toutes les deux studieuses et déterminées. Parce que malgré les apparences, tu savais bien où tu allais et t'étais pas du genre à lâcher prise, t'avais ton caractère. T'avais bien les idées claires. Du coup, pas étonnant que vous ayez emménagé ensemble dans cet appartement situé au dernier étage d'un vieil immeuble. Un truc un peu rustique, pas très grand non plus, mais qui avait son charme. Enfin bref. Vous étiez bien ici. Vous aviez pris vos petites manies, comme regarder la télé devant un bol de céréales après une dure journée de travail. Ce que vous faisiez présentement alors que t'allais certainement t'endormir une fois de plus ou lutter pour garder les yeux ouverts. Alors que Bong-Cha allait sûrement te mettre un coup de poing dans les côtes pour te réveiller et ne pas se sentir seule, ce qui te ferait râler un peu au début. Mais pas longtemps. Parce que finalement, sans Bong-Cha et seulement avec tes boulots ta vie serait bien plate.


Le Paradise Place... En tout cas, celui-là de bateau il portait bien son nom. Lieu de rêve. Lieu de tes rêves. Et ce, même si t'étais là pour travailler et non pour profiter. Quoi que... dans un sens tu profitais pas mal quand même. A tes yeux, c'était comme avoir gagné le jackpot à l'un de ces jeux télévisés à la française du style "Roue de la fortune" mais non, t'avais juste été sélectionnée grâce à la mention "diplôme de secourisme" inscrite sur ton C.V.. Le diplôme par excellence que tu pensais inutile et que t'avais passé durant tes années de natation. Mais qui ne l'était pas tant que ça. Et heureusement qu'après hésitation tu l'avais mis sinon tu n'aurais jamais eu l'occasion de mettre un pied ici. Oui, vous l'aurez compris, tu faisais partie du personnel, t'étais donc là professionnellement mais pour autant, t'avais vraiment l'impression d'être en vacance et ça te faisait du bien. Depuis le temps que t'avais pas pris le soleil comme ça, les pieds dans l'eau. En fait, t'étais maître-nageuse mais autant dire que tu servais à rien si ce n'est à bronzer et à servir de décor humain. Faut dire aussi que les noyades c'est pas non plus fréquent, heureusement. Donc t'étais pas trop demandée. Tu faisais quelques fois le tour de la piscine que tu surveillais, jetais un coup d'oeil de temps à autre sur les plus jeunes, ceux qui généralement sont les plus imprudents ou ne savent pas très bien nager et ensuite tu retournais dans tes lectures, ton soda, ton bronzage. Oui, c'était pas la grande fatigue. En plus, t'avais la malédiction d'avoir que des vieux dans ta piscine. Que tu sois à celle du premier pont, du deuxième ou du troisième - parce que vous faisiez des roulements entre maître-nageurs - tu te prenais toujours les vieilles. Alors on peut pas dire que cela représentait beaucoup de danger puisque les vieux en général, ils bougeaient pas vraiment dans l'eau, ils ne faisaient pas non plus des plongeons, ils barbotaient donc il n'y avait pas vraiment d’excitation. Le désert, ouais. Pourtant ce n'est pas pour autant que tu relâchais ta vigilance, une personne âgée ça peut vite se trouver mal, glisser, ou faire une insolation, alors tu demeurais sur tes gardes. Avec ton magazine sur les jambes, le dos contre le transat, et une boisson posée près de toi, oui c'est comme ça que tu surveillais une piscine. Aussi, c'est dans cette position que tu te trouvais présentement. Hormis que tu avais des lunettes de soleil en plus parce que les rayons UV étaient particulièrement agressifs aujourd'hui. Tournant la page de ton livre, Le Dernier Jour d'un Condamné - vraiment gai le titre, mais tu trouvais que Victor Hugo c'était le must, parce que t'aimais vraiment la littérature -tu détournas ton regard vers ta montre pour t'enquérir de l'heure. 15h45. Plein milieu d'après-midi. Avant d'entamer le chapitre deux devant lequel tu t'étais arrêtée, tu relevas tes lunettes pour voir si tout allait bien dans la piscine. Par réflexe tu comptais le nombre de gosses qui jouaient dans la piscine histoire d'être sûre qu'il n'y en ait pas un qui soit sous l'eau. Mais nope, RAS, ils étaient tous là et ils étaient même plutôt calmes. En plus, t'avais toujours ton groupe de vieux près du rebord de la piscine là où ils avaient pieds, à croire qu'ils te suivaient en fait parce qu'ils te kiffaient. Enfin bon tant qu'il n'y en avait pas un qui avait la bonne idée de s'aventurer vers les eaux plus profondes pour risquer l'accident toi ils te dérangeaient pas. En plus ils étaient très polis, il y en avait une d'ailleurs qui aimait bien venir te taper la discussion. Tu devais lui rappeler une de ses petites-filles, où alors elle aimait simplement ta tête. En fait, tu t'étais bien acclimatée mine de rien. Au début c'était un peu laborieux, t'avais été nageuse dans un club, mais le métier de maître-nageur c'était nouveau alors tu savais pas encore très bien comment t'y prendre, tu croyais que toute les heures quelqu'un aurait le devoir de se noyer et tu ne faisais que fixer des yeux la piscine, angoissée. Oui, tu t'imaginais un peu dans les Dents de la Mer, mais au final tu t'étais habituée et maintenant t'étais détendue. Tu te permettais même quelques fois d'aller au bar pas loin t'acheter un truc. Non, t'étais pas irresponsable, tu voyais quand même la piscine du bar, donc pas de soucis. Et c'est pas comme si tu t'absentais pendant deux heures. Ah oui ! Et maintenant tu savais aussi où était ta cabine. Hallellujah ! Fini l'époque où tu tentais avec tes clefs d'entrer chez le voisin - lequel a dû sûrement te trouver un peu weird, peut-être même qu'il le pense toujours et qu'il a peur d'avoir une voisine comme toi - non, maintenant même de nuit, tu ouvrais bien ta porte à toi pour dormir dans ta chambre à toi. Il y avait du progrès. En même temps c'était pas ta faute si toutes les portes se ressemblaient hein et si le bateau était immense. Parce que toi t'avais jamais vu un truc de cette envergure. Rien que ta chambre elle faisait la taille de ton appartement à Séoul. Et pourtant c'était qu'une petite cabine ! Alors t'osais même pas imaginer la taille des suites... ça devait être Versailles !
Donc voilà comment étaient tes journées depuis quelques semaines. Bronzette, surveillance rapide de la piscine, manger, lire, dormir et ainsi de suite. Carpe diem, c'était la belle vie. Pendant que de son côté Bong-Cha était restée en Corée à faire ses études. Dans un sens tu t'en voulais de l'avoir laissée seule mais t'avais pas trop eu le choix, tu pouvais pas l'emmener, et elle ne pouvait pas partir. Du coup, tu l'appelais quotidiennement. Surtout qu'ici ça avait beau être le paradis, t'étais quand même un peu lonely, tu connaissais pas grand monde et tu savais pas vraiment comment te comporter avec la riche clientèle parce que tu n'en avais tout simplement pas l'habitude. Soit. Ca viendrait sûrement. De toute façon ce n'est pas ça qui allait t'empêcher de prendre du bon temps durant cette croisière. Parce que oui, t'étais en croisière dans ta tête.