Ce jour n’était pas bien différent des autres. Ren le savait, les choses n’allaient pas se présenter d’une meilleure façon simplement parce qu’il avait passé une nouvelle nuit sur ce bateau. À son réveil, elle ne serait pas là, il serait seul, et strictement rien n’aurait changé à part le nombre de jours qui s’étaient écoulés depuis qu’elle était partie. Conscient de cela, le brun s’était levé avec difficulté, n’ayant pas envie de vivre une nouvelle journée sans elle. Il s’était alors habillé pour quitter la suite au plus vite, n’ayant aucune envie d’y rester trop longtemps : il préférait aller se promener pendant un moment, histoire de penser à autre chose.

Tourner en rond dans une pièce n’avait jamais été une chose très agréable, peu importe pour quelle personne. C’est dans ce genre de moment, l’on réfléchit toujours aux choses qui nous perturbent, aux choses qui nous rendent malade et, dans le cas de Ren, aux choses que l’on n’a pas envie d’oublier et que l’on ressasse sans cesse en étant parfaitement conscient que plus jamais rien ne changerait. Le nippon s’était donc rendu sur le pont afin de prendre l’air et de se changer les idées.

Le bateau était grand et il n’aurait sans doute pas fait le tour de sitôt, d’autant plus qu’il avait l’habitude de rester dans les même endroits, comme si en fréquenter d’autres aurait risqué de lui faire rencontrer de nouvelles personnes et, par la même occasion, de nouveaux ennuis ou souvenirs qui le hanteraient une fois la croisière terminée. C’était triste, mais Ren n’avait toujours pas envie de passer du temps avec les autres ou, du moins, plus comme autrefois. Tellement de choses avaient changés depuis deux ans…

Bien que ses parents aient tenté à plusieurs reprises de lui faire entendre raison, le brun ne parvenait pas à accepter la mort de sa fiancée. Il continuait à se demander si personne ne s’était trompé, à espérer. Il rêvait encore de se réveiller et de la voir à nouveau à ses côtés, que les deux années écoulées ne soient qu’un horrible cauchemar dont il était difficile de sortir. Ce voyage faisait lui aussi partie de ce cauchemar qui continuait. Un cauchemar qui aurait du être un rêve.

Il aurait voulu voyager autour du monde avec elle, voir des paysages inconnus, rencontrer des personnes de toutes les cultures et de toutes sortes de lieux mais, malheureusement, cette chose n’était plus possible désormais. Au lieu de cela, il se retrouvait chaque jour seul dans sa suite, à repenser aux choses qui l’avaient blessé dernièrement. Il ne pourrait plus jamais réaliser ce voyage avec sa petite amie, mais ses parents avaient décidés qu’il le ferait seul, cela sans même réaliser à quel point ils lui faisaient du mal en l’enfermant ainsi sur ce bateau où il ne connaissait personne mais qui, sans que personne puisse s’en douter, n’était rien de plus à ses yeux que l’épave d’un rêve qui ne deviendrait jamais réalité.

Un profond soupir s’échappa des lèvres du brun qui venait de parcourir le pont du bateau. Il s’approcha de la balustrade contre laquelle il s’appuya en silence, regardant l’horizon. Cela faisait un moment qu’il marchait désormais. Il avait fait le tour de nombreux endroits du bateau avant d’arriver ici mais, au final, qu’avait-il réellement fait de sa journée ? Pas grand-chose. Il ferma les yeux alors qu’un nouveau soupir s’échappait d’entre ses lèvres. C’était toujours aussi difficile de ne rien faire et, à ce rythme, il ne tiendrait pas bien longtemps. Quelques secondes plus tard, le jeune homme se redressa à l’entente d’un bruit, se demandant simplement de quoi il s’agissait. Un enfant était en train de se promener pas loin et, visiblement, il était seul.

Était-il normal qu’un enfant se trouve à cet endroit en cet instant mais, surtout, était-il normal qu’il soit totalement seul ? Le brun s’assura de ce détail en balayant du regard les lieux et, effectivement, cet enfant était là sans aucune surveillance… Cela ne devait pas être bien normal.

Ne sachant pas quoi faire, il regarda le petit garçon qui semblait gambader tranquillement sur le pont avant de s’approcher de lui, jugeant que c’était la meilleure solution. Une fois à sa hauteur, il réfléchit : est-ce qu’il pouvait réellement emmener ce gamin avec lui sans en avertir personne et, surtout… où l’amènerait-il ? Amener un enfant à l’accueil n’était peut-être pas la meilleure solution pour permettre à ses enfants de le retrouver… Surtout pas avec une garderie sur le bateau. Il avait désormais trouvé.

Il s’approcha donc résolument de l’enfant, le prenant dans ses bras pour éviter qu’il n’essaie encore de partir et il s’adressa à lui en souriant un peu. « Toi, je vais te ramener à la garderie sur le champ. C’est dangereux de te promener seul ici. »

Même s’il n’avait jamais eu aucun enfant, il avait toujours eu facile avec eux, sans même savoir pourquoi. En fait, il avait appris qu’être trop sévère n’était pas toujours le meilleur moyen d’obtenir de bons résultats, notamment au niveau de leur comportement. Pour cette raison, il avait préféré dire ça en souriant sans avoir l’air menaçant… sans quoi il aurait eu trop peur de se prendre des coups de la part de ce petit bout qu’il venait de trouver là où il n’aurait pas du être.

Même s’il avait déjà entendu parler de la garderie, il ne s’y était jamais rendu, raison pour laquelle il mit un certain temps à s’y rendre. Elle n’était cependant pas trop loin, sans quoi ce petit garçon n’aurait certainement pas pu venir jusque là.

Lorsque le brun arriva, tout le monde semblait occupé. Cependant, même si un certain remue-ménage semblait avoir pris place dans ces lieux, le jeune homme s’approcha d’une personne qu’il pensait être un membre du personnel, mais ignorant totalement si elle l’était ou non et lui adressa la parole, un peu gêné car il avait l’impression de déranger ces gens dans leur travail.

« Euh…Excusez-moi madame, j’ai trouvé ce petit garçon qui se promenait tout seul sur le pont… j’ai pensé qu’en l’amenant ici vous pourriez retrouver ses parents. »

Si ce garçon avait été mon fils, j’aurais aimé avoir de ses nouvelles au plus vite. Je n’avais pas réellement fait attention à la conversation des gens qui se trouvaient déjà dans la pièce, étant trop occupé à penser à ramener cet enfant à un endroit où il serait en sécurité.

Il arrivait à Yuri de songer au passé, il lui suffisait de poser les yeux sur son adorable petit garçons de deux ans pour qu’elle y songe ne serait-ce qu’un peu. A lui. Son ex-petit-ami et père de son fils. Bien heureusement pour elle, il ne lui ressemble pas tant que ça pour le moment, mais elle ne peut s’empêcher de repenser à lui, alors qu’il l’a lâchement abandonné, qu’il a fui ses responsabilités, sans même se préoccuper d’elle et de son futur enfant. Pour lui, cet enfant n’existait pas, il n’y en avait jamais eu. Elle n’avait pas besoin d’un père qui a renié son enfant avant même qu’il ne naisse, c’est bien quelque chose qu’elle ne lui pardonnerait jamais et si jamais un jour, il revient en songeant un seul petit instant à s’occuper d’Eichi, il pourra aller se faire voir. Elle ne confiait pas son enfant à quelqu’un en qui elle n’avait pas confiance et surtout qui n’a songé dès le départ qu’à supprimer le petit être qui grandissait dans son ventre. L’avortement, la réponse à tout pour une grossesse non-désirée. Elle ne s’était pas laissé faire et ça lui avait coûté l’homme qu’elle avait aimé pendant plus de six ans. Eh bien, tant pis. Elle n’avait pas besoin d’un homme, ni d’un père pour son fils, comme lui. Eichi et elle méritaient mieux, elle en était sûre. Il fallait juste qu’elle trouve l’homme qui accepterait d’élever un enfant qui n’est pas le sien. Ou juste trouver quelqu’un qui ne se croit pas supérieur à elle dans l’éducation d’un enfant, ça avait le don de l’agacer, elle était mère depuis deux ans, elle savait s’occuper de son fils. Eh oui, elle était compliquée en plus de ça.

La jeune femme travaillait toute la journée aujourd’hui et malheureusement ses amis du personnel aussi et elle ne voulait pas abuser de la gentillesse de ses amis dans les passagers, elle l’aurait bien confié à Ki Seol, mais elle avait oublié de lui demander hier soir et ne voulait pas déranger ses plans. Aujourd’hui ce serait donc garderie. Elle n’aimait pas trop les garderies, il y avait plusieurs enfants, mais jamais assez de personnel selon elle, déjà qu’un enfant était dur à gérer alors une dizaine, mais elle n’avait pas le choix. Elle l’avait porté tout le long du trajet, il était encore un peu endormi, normal il était tôt, le petit déjeuner ne commencerait à être servi que dans une heure seulement. Une fois arrivée, elle le serra doucement contre elle et sourit quand elle sentie ses petits bras s’enrouler autour de son cou, elle lui fit un bisou sur la joue. « Maman sera là ce soir, pas trop tard promis. Je t’emmènerais manger des gâteaux d’accord ? » Elle sourit quand il émit un son qui exprimait son contentement, Eichi adorait les gâteaux, il ne pourrait manger que ça si Yuri n’était pas là pour surveiller. Elle lui fit un dernier bisou avant de le confier à une des membres du personnel qui travaillait à la garderie. Ils n’étaient que deux aujourd’hui, ça sera encore une journée à courir partout et à déplorer un manque de quatre paires de yeux supplémentaires pour la surveillance. La nippone fit un dernier signe de la main à son petit garçon et prit le chemin le plus court pour se rendre au niveau du centre du room-service, celui-ci se trouvait juste à côté des cuisines, question pratique, les commandes étaient plus vite passées aux cuisines.

Yuri salua ses collègues de travail et eut le temps de discuter avec eux avant que le coup d’envoi fut sonné. Sa journée de travail pouvait se résumer à : chariot, cuisine, courir partout, clients exigeants et certains malpolis et ainsi de suite. Elle avait tout simplement les jambes en compote, malgré le renfort de personne dû à l’embarcation de l’Arigan Quest, il y avait aussi deux fois plus de passagers. La jeune femme s’étira, faisant craquer certaines de ses articulations, là tout de suite, un massage serait le bienvenue. Mais non, elle allait récupérer Eichi et ensuite, comme promis des gâteaux pour lui et un thé pour elle. Elle passerait ensuite prendre quelque chose à manger et direction leur cabine, elle ne ferait sans doute pas long feu ce soir. Elle salua et souhaita bon courage à ses collègues qui travaillaient ce soir et prit la direction de la garderie, regardant sa montre. 17h30. Elle avait fini pile à l’heure aujourd’hui, pas de client de dernière minute qui l’avait retardé. Tout le temps passé en plus avec Eichi ne pouvait que la rendre heureuse, avant qu’ils n’aillent sur ce bateau, elle le confiait à sa babysitter et amie et ne le voyait que très peu, il n’y avait que le dimanche où elle pouvait en profiter.

Une fois arrivée à la garderie, elle constata que c’était un peu la panique et se demanda ce qu’il pouvait bien se passer. Alors qu’elle cherchait son fils des yeux, lui qui courrait pratiquement la retrouver quand elle arrivait, ça lui changeait, elle fut abordée par une des membres du personnel. Celle-ci semblait horriblement gênée et surtout inquiète. « Yuri … je suis désolée … j’ai dû m’absenter un moment et je me suis fait remplacée par un jeune dans l’équipe qui n’avait pas du tout l’expérience, mais c’était à peine cinq minutes et il y avait aussi mon collègue de d’habitude, mais … » Yuri sentit tout de suite la mauvaise nouvelle arriver et la coupa, un peu trop abruptement, mais à ce moment, elle s’en fichait, elle voulait juste savoir ce qui se passait et surtout, pourquoi elle ne voyait pas son fils. « Où est Eichi ? S’il te plait, ne me dis pas que tu, enfin qu’il a perdu mon fils ? » Elle vit tout de suite dans son regard que c’était malheureusement la vérité. « Oh non, c’est pas vrai … » Elle tenta de rester calme, ce n’était pas de la faute de cette employée, mais là … son fils c’était son trésor, son bébé, la personne à qui elle tient le plus au monde, elle faisait tout pour qu’il ne lui arrive jamais rien et là, ils l’ont perdu ? « On est en train de passer des appels au personnel situé un peu partout sur le bateau pour le retrouver, et on va le retrouver, il ne peut pas être bien loin. » Oui et s’il était tombé, pensa-t-elle. La jeune femme gémit de désespoir et ne s’occupait même plus de la jeune femme qui était vraiment désolée et qui s’excusait, tout en surveillant les autres enfants.

Yuri se retenait d’aller courir partout, ce n’était pas du tout la meilleure chose à faire, mais là, c’était l’angoisse qui montait. Elle avait peur, si jamais il lui était arrivé quelque chose, elle ne se le pardonnerait pas et surtout, elle ne leur pardonnerait pas. Elle qui n’aimait pas vraiment confier son fils à quelqu’un d’autre, là ça lui donnait encore moins envie. Elle entendit vaguement une personne derrière elle qui venait de lui parler et avec un air qui semblait dire qu’elle se fichait complètement de ce qu’il avait ou de ce qu’il avait besoin, parce que pour elle c’était ça à chaque fois qu’on lui demandait quelque chose, elle se retourna « Je suis occupée monsi…. Oh mon dieu Eichi ! » Elle ne rêvait pas, son fils dans les bras de cet homme, si elle s’écoutait, elle aurait sauté au cou du jeune homme, mais elle récupéra Eichi et le serra fort contre elle. « Oh mon bébé, tu m’as fait si peur. Refais plus peur à maman comme ça, d’accord ? » Elle était à deux doigts de fondre en larmes, tellement elle était soulagée. Soulagée, la jeune femme appartenant au personnel de la garderie l’était aussi, elle l’entendit s’excuser de nouveau avant qu’elle n’aille s’occuper des autres enfants. Yuri était en train de bercer son petit garçon contre elle avant de songer au jeune homme qui l’avait retrouvé, elle se tourna vers lui. « Merci, merci beaucoup. Mon fils c’est toute ma vie, si jamais il lui était arrivé quelque chose, je … non je veux même pas y penser. » Elle déposa un baiser sur la joue de son fils avant de regarder de nouveau le jeune homme. « Je sais pas comment vous remercier … quelque chose à boire et à manger ça vous dit ? Je tiens vraiment à vous remercier, je vous serais éternellement reconnaissante, je sais c’est peut être exagéré, mais Eichi, c’est … c’est mon petit garçon, mon bébé, toute ma vie. » Elle reprit un peu son souffle, le stress, plus l’angoisse et ensuite la joie de retrouver son fils, ça en avait fait voir de toutes les couleurs à son cœur qui avait fait des montagnes russes. « Désolée, je parle beaucoup, mais je suis juste …. Contente de pouvoir le tenir dans mes bras. Au fait je m’appelle Yuri et je tiens vraiment à vous inviter à prendre quelque chose pour vous remercier. » Elle lui sourit gentiment, espérant qu’il ne l’ait pas pris pour une folle et attendit sa réponse.